L’itinérance en hiver : l’impact du froid sur la santé physique et mentale des sans abri
Ça y est, dans la nuit du 1er au 2 novembre 2025, nous sommes passés à l’heure d’hiver. Quelques premières neiges sont même tombées sur Montréal depuis le début du mois. Ce changement de saison, où le froid s’installe et les heures de lumière naturelle diminuent, vient avec son lot de difficultés supplémentaires pour les personnes en situation d’itinérance (PSI).
“L’hiver, c’est très dur, très difficile. T’essayes de trouver par n’importe quel moyen de te réchauffer. Je marchais, marchais beaucoup, de long en large [pour me réchauffer]”, Richard, un locataire et participant du Sac à dos ayant vécu plusieurs hivers dans la rue.
“Mon conseil pour les personnes qui vivent l’hiver dans l’itinérance : réchauffez-vous au maximum dans les refuges et les centres d’accueil”.
Le froid, vecteur de blessures et d’hospitalisations
Selon le dernier rapport de l’impact du froid sur les PSI de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), les PSI sont nettement plus exposées aux risques graves liés au froid : hypothermie, engelure, hospitalisation, visite aux urgences et même décès. Le rapport indique qu’une température égale ou inférieure à -10 degrés Celsius est un “seuil” en dessous duquel une large part des cas d’hypothermie et des décès surviennent.
« Dormir dehors l’hiver, mon sac et mon couchage deviennent mouillés. Chaque jour je déballe et range mes affaires, ma tente, mes draps, mes oreillers et ça me prend une heure. C’est beaucoup demandant d’être à la rue l’hiver. Le froid, l’eau… mes bottes sont toujours mouillées. Heureusement que j’alterne avec une deuxième paire de chaussures, mais je ne suis jamais vraiment au sec. Je fais des crises d’asthmes. Récemment, je me suis évanoui, j’arrivais plus à respirer et j’ai été hospitalisé. J’ai passé 24 heures branché sur un appareil respiratoire. Avoir une bronchite chronique, en plus de traîner tous mes sacs, c’est extrêmement demandant. La ville coupe les abreuvoirs extérieurs alors on ne peut pas boire d’eau. Je suis toujours sur la faim. Je dépense énormément d’énergie pour me déplacer, mais je ne suis jamais certain d’avoir de la nourriture pour me remplir le ventre. La plupart du temps, je n’ai plus de force pour bouger. ». Sunny, participant au Sac à dos, passe son premier hiver à la rue.
L’hiver exacerbe toutes les fragilités
Toujours selon le rapport de l’INSPQ, la période hivernale a également des répercussions sur la santé mentale des PSI. Ces dernières se disent plus déprimées en hiver, moins enclins à surpasser cette épreuve et à se maintenir en bonne santé et ce, particulièrement lorsque le froid est accompagné de précipitations.
“Les gens de la rue sont dans quelque chose de beaucoup plus majeur qu’une simple dépression saisonnière. Déjà, les conséquences physiques de l’hiver sont très importantes et cela a un impact sur notre moral. Cela peut être traumatisant : imaginez-vous être dehors tout l’hiver, à chercher toute la journée un niveau de confort minimal, sans aucune véritable nuit de sommeil. Le facteur de stress de ce mode de vie a un poids immense et c’est évident que cela pèse très intensément sur l’humeur. Si on ajoute à cela que les problèmes mentaux sont surreprésentés dans cette population, l’hiver devient un lieu qui exacerbe toutes les fragilités de ces personnes.”. Mylène Demarbre, psychologue et directrice clinique du Programme santé mentale à Médecins du Monde.
Les places dans les refuges sont toujours rares et limitées
Les places dans les refuges se font toujours rares. De même que pour les refuges d’urgence, qui ne sont souvent pas adaptés aux besoins des personnes en situation d’itinérance.
« Parfois, les gens veulent vraiment entrer en refuge à cause du froid. Si tu n’es pas bien installé dans ton camping d’hiver, le refuge devient un peu ta seule option, mais ils sont souvent pleins. Tu appelles à 11h, c’est plein. Plus tôt, plus tard… C’est toujours plein. […] Même en été.”. Juliette Aird, intervenante psychosociale au Sac à dos.
« J’ai trop peur des refuges. Les gens se droguent, se volent, s’attaquent pour un rien et ont souvent des problèmes de santé mentale. ». Sunny, participant au Sac à dos.
« Il faudrait développer plus d’organismes qui viennent en aide, qui ouvrent des places correctes, qui proposent des vrais lits, des vrais hébergements, même ceux d’urgence. Des fois, les gens dorment sur des chaises ou ils vont aux urgences pour se reposer quelques heures au chaud. Les gens se débrouillent, mais n’ont pas accès à un endroit sécuritaire et un lit où tu peux te déposer. Imagine de rester dans tes bottes humides pendant 7 jours, ca fait des blessures ou imagine toi de dormir assis sur une chaise, sans jamais t’allonger. ». Juliette Aird, intervenante psychosociale au Sac à dos.







